Tiphs est une illustratrice dont je suis le travail depuis plusieurs années maintenant. Après l’ouverture de mon blog , l’envie de l’interviewer m’a immédiatement frappé !
Au travers de cet interview, j’espère vous donner envie de découvrir son univers.
C’est parti !

Dans un premier temps, pourrais-tu te présenter ?
Je
suis Tiphs, graphiste et illustratrice freelance travaillant principalement
avec le milieu de l’édition imaginaire et jeunesse.
Quel a été ton parcours scolaire et professionnel ?
Niveau
études, j’ai fait un bac S dans l’optique de devenir géologue, avant d’entrer
sur un coup de tête à l’école de communication visuelle Brassart Nantes, dont
je suis sortie diplômée en 2011. Sauf qu’au cours des stages effectués en
agences de comm, j’ai réalisé que le milieu de la pub n’était pas pour moi.
Comme mon école m’avait aussi appris quelques bases de dessin, j’ai décidé de
me concentrer sur cet aspect-là après mon diplôme, et de cultiver ces bases
jusqu’à atteindre un niveau que je jugeais acceptable pour me prétendre
illustratrice professionnelle.
Il
m’a fallu quelques années pour me sentir légitime dans ce métier, mais
aujourd’hui, j’en vis à 100%.
Pourquoi as-tu fait le choix du freelancing ?
Parce
que c’était le plus logique.
Une
fois mon diplôme, j’avais le choix entre trouver un poste fixe dans une agence
de pub, me réorienter ou prendre un chemin de traverse pour faire quelque chose
de mes connaissances. Comme il était hors de question que je remette les pieds
dans une agence, j’ai décidé de suivre la voie qui m’avait toujours intéressée
: celle du dessin.
Et dans ce domaine, les contrats
classiques (CDD, CDI, dans des bureaux) sont quasi-inexistants.
Peux-tu nous dire quel a été le moment précis où tu as su que c’était le bon moment pour devenir freelance (avec l’assurance que tu pourrais en vivre) ?
Je
n’avais pas l’assurance d’en vivre quand je suis devenue freelance. En fait,
pendant des années, j’ai cumulé mon travail d’illustratrice avec des missions
d’intérim, des saisons d’été et d’hiver comme serveuse, réceptionniste,
barmaid, animatrice… je suis même partie en visa vacances-travail en
Nouvelle-Zélande ! J’aimais beaucoup la liberté de cette situation, pour être
honnête.
Mais
« le » moment où j’ai arrêté tout ça et décidé de me concentrer à
100% sur mon entreprise s’est produit il y a bientôt deux ans, après un grave
souci de santé qui m’a rendue inapte à exercer la plupart des métiers
sus-cités. Je n’ai pas eu d’autre choix que faire en sorte que ça marche. Me
demande pas comment, parce que j’en sais rien, mais ça a marché.
Le freelancing est quelque chose d’assez solitaire ? N’est pas difficile ? Aussi, comment arrives-tu à t’organiser ?
Effectivement,
c’est plutôt solitaire, vu qu’on n’a pas de collègue, mais étant de nature
solitaire, la situation me convient pile poil. Le plus dur, c’est justement de
réussir à s’organiser, car on n’a pas de patron pour nous taper sur les doigts
si on arrive en retard au travail, ou qu’on en part trop tôt. Ça demande
beaucoup d’auto-discipline, mais avec une to-do list et des factures à payer,
on finit par réussir.
Préfères-tu le traditionnel ou le numérique ? Pour ma part, j’utilise les deux à parts égales, mais pas pour les mêmes choses/projets.
Dans
le cadre de mon activité, je ne travaille qu’en numérique. C’est un medium plus
pratique lorsque l’on traite avec des clients, qui ont souvent besoin de
retoucher un élément du dessin ou les couleurs. Ça permet de modifier
l’illustration facilement, et je trouve également cela plus confortable.
Par contre, à titre personnel, j’adore dessiner au crayon
de papier.
Dans le cas du numérique, quel(s) logiciel(s) utilises-tu ?
Toute
la suite Adobe, Photoshop et Illustrator en particulier.
Comment trouves-tu tes clients de manière générale ?
Grâce
aux réseaux sociaux, j’ai réussi à développer une base assez solide, qui se
renforce lors des salons littéraires. Sinon, j’ai beaucoup travaillé sur le
référencement de mon site internet, et à l’heure actuelle la plupart des
demandes viennent de là.
Les années t’ont-elles aidé à te constituer une clientèle fixe qui te permet aujourd’hui de ne plus « chercher », ou comme au début, tu traques constamment les nouvelles opportunités ?
J’ai
eu beaucoup de chance, car je n’ai jamais eu à chercher quoi que ce soit. Je ne
suis pas le genre à répondre aux appels d’offre sauvages lancés sur Twitter ou
Facebook, c’est une façon de faire qui me met mal à l’aise (« voici un contrat
: battez-vous. »). Par contre, je reste ouverte à toute possibilité : si
demain on me propose un projet qui sort de ma zone de confort et que mon
planning le permet, je dirai sûrement oui, parce que j’adore le challenge et
explorer de nouvelles compétences. Grâce à ça, mon éventail de compétences
s’agrandit, et le nombre clients potentiels aussi.
Ta communauté a-t-elle grandi du jour au lendemain ou cela a pris des semaines, des mois, voir des années d’acharnement ?
Ça
se fait petit à petit, mais j’avoue ne pas faire d’efforts particuliers pour la
faire grandir. Mon but en postant sur facebook, instagram, ou même wattpad,
c’est avant tout de partager mon travail avec ceux que ça intéresse, d’échanger
et de passer de bons moments. À l’heure actuelle, je n’ai pas une
« grande » communauté en comparaison d’autres artistes, qui ont des
dizaines de milliers de fans, mais ça me convient.
Aurais-tu un conseil pour ceux qui peinent à démarrer dans le métier de freelance ?
D’oser
demander de l’aide. Quand je me suis lancée, ni pôle emploi ni l’URSSAF n’ont
su me dire dans quelle catégorie d’auto-entreprise me mettre (il y en a des
tas, avec des zillions de sous-catégories), ni quelles obligations
s’appliquaient. Toutes mes réponses, je les ai trouvées en posant des questions
à d’autres freelances, puis j’ai fait le tri.
Qu’il
s’agisse d’aide ou même juste de soutien moral (lancer son entreprise est
flippant ; ne pas savoir si on aura de quoi payer son loyer dans deux mois est
flippant ; être livré à soi-même avec la compta et les taxes surprises est
flippant ; beaucoup de choses sont flippantes), il ne faut pas hésiter à en
parler, à demander des conseils.
Parlons maintenant de tes inspirations ? Quelles sont-elles ?
Il
y en a beaucoup. J’ai été bercée aux Disney et aux Ghiblis, j’ai grandi en
lisant Harry Potter, Ewilan et un tas de romans d’imaginaire, mes parents m’ont
traînée aux quatre coins de l’Europe dans le camping-car et je vadrouille dès
que j’en ai l’occasion maintenant que je suis adulte… en fait, je me nourris de
tout ce qui passe à ma portée.
Comment décrirais-tu ton style ?
Semi-réaliste,
coloré et euh, avec une touche de mélancolie ? On m’a dit récemment qu’il y
avait toujours un petit côté « dark soft » dans mes illustrations,
mais au-delà de ça je ne sais vraiment pas comment qualifier mon style,
j’avoue.
Comme toi, j’illustre des romans. Pour toi, lire le roman que tu vas illustrer est-il nécessaire ou un simple spitch est-il suffisant ?
Je
le faisais au début, avant de me rendre compte que ce n’était rentable. Un
pitch doit être suffisant. Lire un roman prend des heures, et si je veux
espérer payer mes factures, je ne peux pas sacrifier ces heures-là alors que je
pourrais les passer à travailler.
Il me semble que tu travailles principalement dans le domaine de l’édition (même si ton activité ne se résume pas à ça). Est-ce dû à ta passion pour l’écriture ?
Tout
à fait ! J’ai posté mes textes sur internet pendant très longtemps, et c’est
grâce à mes connexions avec d’autres auteurs du net que j’ai commencé à
travailler dans ce milieu. Quand ils se sont fait publier, certains ont parlé
de moi à leur éditeur, et tout a découlé de ça.
Concernant ton projet Ulule. Premièrement, félicitations ! Combien de temps t’a-t-il fallu pour la préparer en amont ?
Merci
beaucoup ! Le projet a été monté assez vite, puisque j’en ai eu l’idée sur un
coup de tête en décembre. Il m’a fallu environ deux mois pour tout mettre en
place.
Pourquoi as-tu décidé de faire une campagne de financement participatif, et pourquoi un carnet de croquis ?
Parce
qu’imprimer des livres coûte cher, et que j’aime le côté interactif du
financement participatif, toute l’émulation créée par cette fichue jauge et la
façon dont le produit final se transforme au fil des paliers franchis.
Quant au choix du sketchbook, tout simplement par envie.
Je disais plus haut que j’adorais dessiner au crayon de papier, du coup j’ai un
joli stock de croquis amassé au fil des ans et des défis comme l’Inktober.
C’est aussi une question d’unité esthétique.
Comment as-tu vécu cette expérience ? Cela a été épuisant, j’imagine.
Plutôt,
oui, mais qu’est-ce que c’était chouette. J’ai passé un mois sur un nuage,
portée par tout le soutien reçu. Quand on a l’habitude de partager son travail
gratuitement sans restriction depuis des années, les gens ont tendance à
prendre ce fait pour acquis et à bouder quand il faut, finalement, sortir le
porte-monnaie (je l’ai encore constaté sur wattpad récemment lorsque j’ai
annoncé l’édition d’un de mes romans). De fait, je n’étais pas certaine du
succès de la campagne.
Le
plus difficile a été de trouver comment animer mes réseaux sociaux sans que ça
devienne monotone. Trouver de quoi varier les contenus pour éviter de répéter
« donnez-moi votre argent » en boucle. Après, le premier et le dernier
jour ont été incroyables. Le premier, parce que tout se déclenche et qu’on
découvre le pouvoir hypnotisant de LA JAUGE qui se remplit au fur et à mesure,
et le dernier parce que les retardataires se réveillent et que tout s’emballe
de nouveau comme au début, après plusieurs semaines de calme.
Une fois la campagne finie, j’ai dormi 14h.
Comment t’es-tu organisée pour cette campagne ? Choix de l’imprimeur, des contreparties, temps, travail, etc.
Pour
commencer, j’ai fait un petit tableau avec tout ce que j’envisageais comme
contreparties, avant de les classer soit dans des packs, soit dans des paliers
bonus au cas où on atteindrait les 100%.
Ensuite, j’ai ouvert tous les artbooks de ma collection pour
chopper des noms d’imprimeurs, auxquels je suis allée demander des devis pour
établir mon budget. C’est l’étape la plus longue, parce qu’il faut comparer les
prix de tout le monde pour chaque truc qu’on veut produire, et recalculer à
chaque palier. Mais une fois fini, le plus gros était fait.
Après
ça, j’ai préparé ma page Ulule et tous les visuels de promo, rédigé des
ébauches de newsletters histoire de ne pas être prise complètement au dépourvu,
etc. Et tout ça, bien sûr, entre 21h et 2h du matin, parce qu’il fallait travailler
le reste de la journée.
Une dernière question : à tous les passionnés qui nous lisent, qu’ils soient écrivains, illustrateurs ou autres. Quels mots aurais-tu as dire pour ceux qui souhaitent en faire leur métier ?
Osez.
Peut-être
que vous allez échouer comme vous le craignez, mais peut-être aussi que vous
allez réussir. Vous n’en serez jamais sûrs tant que vous n’essaierez pas.

Une dernière (la vraie cette fois haha) : j’aime demander des choses philosophiques parfois. « L’imagination, opium du monde ». Que t’inspire cette phrase ? Pour toi, quel pouvoir a l’imaginaire ? Quel pouvoir ont les histoires que nous racontons, dessinons ou lisons ?
Pour moi, l’imaginaire est un voyage
qui n’emprunte jamais les mêmes chemins, où il est impossible de s’ennuyer.
Grâce à nos histoires, écrites ou dessinées, on embarque d’autres personnes
avec nous, des personnes qui n’ont pas forcément l’habitude d’arpenter ces
chemins-là ou qui n’en ont plus la capacité. En ceci, l’imaginaire a deux
pouvoirs principaux : celui d’ouvrir un peu plus les esprits, et celui d’aider
à les soigner.

***
J’espère que cet interview vous aura plu ! Pour découvrir l’univers de Tiphs c’est par ici : https://www.tiphs-art.com/
N’hésitez pas non plus à la suivre sur les réseaux sociaux :
Facebook : https://www.facebook.com/TiphsArtiste/
Instagram : https://www.instagram.com/tiphsartist/